Je vais vous raconter une histoire vécue par une amie de ma tante, passionnée d’opéra.

Lorsqu’elle veut écouter ses airs préférés, elle va puiser dans sa discothèque un disque vinyle qu’elle pose sans précaution sur le tapis de son électrophone. Eh oui, à l’époque où on me l’a relaté, elle avait encore un électrophone.

Et, avec la délicatesse qui la caractérise, elle pose, plutôt elle jette, le bras de lecture sur le microsillon.

Alors là, de deux choses l’une : ou bien le disque est écoutable, ce qui est rarement le cas ou bien elle le reprend et s’apprête à le nettoyer.

Vous n’allez peut-être pas le croire, elle se met à crachouiller sur la surface du disque et avec le revers de la manche de sa blouse, exerce des mouvements circulaires (circulaires tout de même, vous aurez remarqué) en guise de nettoiement.

L’écoute peut alors commencer.

Et voici qu’aux premières incantations, elle se met à chialer, mais à pleurer … car l’émotion qui se dégage de l’interprète la retourne complètement.

Alors, me direz-vous, comment est-ce possible ? Est-il vrai qu’un “vulgaire” électrophone puisse restituer une quelconque charge émotionnelle ?

Quand le plus commun des audiophiles, à des degrés divers, vit avec la musique, Hélène, de son prénom, ELLE VIT LA MUSIQUE.

Et d’ajouter de sa voix tremblotante : “Que c’est beau ! Mais que c’est beau !”.

Après tout, n’a-t-elle pas touché là l’essence même de la musique ?

Celle de nous émouvoir.

Plus qu’elle ne s’écoute, la musique se vit. Vivons notre propre expérience. (L’auteur)